Yvez Normandin, un précurseur dans l'histoire du centre
CAPSULE HISTORIQUE :
Yves Normandin qui fut conseiller municipal pour le RCM (Rassemblement des citoyens de Montréal) de 1974 à 1976, puis conseiller indépendant jusqu’à 1978, a joué un rôle important dans la fondation du Centre. Il est une des très rares personnes de cette époque, ayant travaillé à la construction du Centre, qui habite toujours le quartier. Le journal Les P’tites Nouvelles l’a rencontré dans sa belle demeure du «Village Côte-des-neiges» un mardi matin de mars alors que les flocons de neige dévalaient le ciel pour donner à Montréal un air du temps des Fêtes.
Voici ce que monsieur Normandin avait à nous raconter :
MA VIE DANS LE QUARTIER
«Je suis pratiquement né à Côte-des-Neiges puisque mes parents se sont installés sur la rue Gatineau six mois après ma naissance. C’était en 1946. À cette époque toute la vie du quartier se déroulait autour de l’église et de l’école. À cause des religieux et des religieuses (Je crois qu’ils étaient de la congrégation de Sainte-Croix) qui étaient des gens remarquables. Je me souviens particulièrement du frère Honoré Gamelin. C’est incroyable ce que cet homme-là a pu faire pour le quartier. Il avait mis sur pied toutes sortes de programmes sportifs. On ne manquait de rien en termes d’équipement. C’est le frère qui s’occupait de tout. Il organisait des réunions pour impliquer les parents.
Aussi l’attachement des gens pour l’école est toujours resté. Il y a plusieurs années, on a fêté l’anniversaire de l’école-je ne sais plus lequel. Il y a mille personnes qui sont venues.
Le quartier était divisé en deux côtés : le côté des riches et le nôtre, celui-disons-des moins riches. La rue Côte-des-Neiges séparait les deux. Et on ne se mélangeait jamais. Nous n’allions pas de leur côté et eux ne venaient pas chez-nous.
À cette époque, le «Village» était contenu entre la rue Decelles et Côte-des-Neiges d’une part et Edouard-Monpetit ( Maple Wood dans ce temps-là) et Queen-Mary d’autre part.
C’était petit mais très densément peuplé avec des familles qui avaient leur maison. Un jour, ce devait être à la fin des années soixante, les H.E.C., les Hautes Études Commerciales, ont demandé à la ville de détruire le Village parce que ça déparait leur édifice flambant neuf. IL fallait «améliorer le paysage.» J’ai vu la destruction du quartier. Je me vois encore regarder le bulldozer en train de saccager les maisons. Des belles maisons avec des escaliers extérieurs comme il y en a encore sur la rue Decelles. Ils ont construit un parc qui a pris bien du temps à se donner une vocation. Ça a été un drame pour beaucoup de familles même s’il n’y a pas eu de contestation. Dans ce temps-là on ne contestait pas beaucoup.
Un malheur ne venant jamais seul, la Commission scolaire a voulu fermer l’école parce qu’il n’y avait plus assez d’enfants. Mais ça on ne l’a pas permis. Plus tard dans les années 70, on a réussi à déconfessionnaliser l’école. Ce fut la première au Québec. Dans cette lutte, on a eu l’appui du curé Paul Delorme un homme d’avant-garde qui fut très impliqué en politique et dans le monde syndical. Lui il avait vraiment la vocation. C’est lui qui m’a poussé dans le dos pour me présenter comme conseiller municipal. Je me souviens qu’une de mes motivations principales était que je ne voulais plus qu’on détruise à nouveau le quartier.
Il y avait encore à ce moment-là un corps de clairon dans le quartier. Le lendemain de mon élection, ils sont venus sur la rue Maréchal où je résidais alors et ils ont joué un petit concert. Dans le temps de le dire, ils ont réveillé toute la rue. Il y avait du monde partout sur les balcons. C’est un souvenir sympathique.
LA FONDATION DU CENTRE
L’idée de base au début, c’était qu’il n’y avait rien dans le quartier pour les jeunes. Pas de loisir, rien. Alors c’est surtout pour les pré-ados et les ados qu’on a voulu un centre récréatif.
Il y avait un noyau de gens qui s’impliquait, pas seulement pour avoir un centre mais aussi pour avoir une garderie, une coopérative d’habitation. C’était toujours les mêmes. Je me souviens de Monique Larose et de son mari Georges Filotas. Eux ils avaient des enfants en bas âge et ils se sont surtout concentrés sur la garderie avec beaucoup de succès. Pour le Centre, je me souviens surtout de Henri Pepin et de son épouse Odile, et puis il y avait certainement Paul Sylvestre, l’avocat. Et Jean-Claude Clément. Il dirigeait le corps de clairon dont je vous ai parlé. Les autres? Eh bien je n’ai jamais eu beaucoup de mémoire et aujourd’hui moins que jamais.
Tout le processus pour créer le Centre a dû prendre environ une année. Il y en a eu des réunions dans mon sous-sol pendant cette année-là. Mes enfants en étaient rendus qu’ils jouaient «à faire des réunions». C’est pour dire. Malheureusement on n’a pas de traces de ces réunions. Dans le temps on ne trouvait pas ça important. Quand on voyait quelqu’un qui prenait des notes, on se demandait pourquoi il faisait ça. Ce que je me souviens, c’est que les discussions étaient passionnées et qu’on pouvait changer de sujet en plein milieu d’un autre.
Les difficultés qu’on a éprouvées à l’époque : trouver les bonnes personnes à qui s’adresser à la Ville de Montréal et surtout à la Commission scolaire. Ce n’est pas moi qui faisais les appels mais on ne réussissait jamais à parler à la bonne personne au bon moment. La bâtisse des sœurs était certainement vide car je me souviens d’un jour où nous sommes allés la visiter. Alors on a fini par avoir la permission d’occuper le bâtiment. Puis on s’est adressé à la Ville. Ça a été un peu plus facile de les aborder parce qu’au début on ne leur demandait rien. Puis on a présenté un projet. Il devait être bon parce que là aussi ça a bien été.
Après l’assemblée générale de fondation, je me suis éclipsé. En tant que conseiller, j’étais là pour m’assurer que ça fonctionne. J’ai toujours favorisé que les gens mènent eux-mêmes leurs dossiers.
Aujourd’hui j’estime que le Centre rend des services inestimables dans le quartier. Vous faites une bien belle job.»
Et nous, nous avons passé un bien beau moment en votre compagnie monsieur Normandin.
On se reverra sans nul doute.